Grand Boum-Ville de Blois 2016
Maison de la BD, 3 rue des Jacobins
24 novembre – 24 février 2018
Commissariat : Patrick Gaumer et bd BOUM
Fils de réfugiés espagnols – né en 1948, il ne sera naturalisé français qu’à l’adolescence –, Jean Solé ne brille pas par son parcours scolaire, au grand désespoir de ses parents : « Ils ont dû se faire un sang d’encre, mais il n’y avait rien à faire, ma tête n’était ni à la grammaire ni au calcul ».
Côté dessin, en revanche, tout va bien : « Je n’aimais pas aller dans la cour de récré, je n’aimais pas le sport, les jeux brutaux, alors je restais dans mon coin à faire des crobards ». On devine la suite. De fil en aiguille, de crayon en pinceau plutôt, là où ses petits camarades cessent de dessiner, Jean, lui, continue.
« À la maison, on lisait surtout Vaillant. C’était le seul périodique de BD que mes parents, communistes, toléraient ». Le jeune garçon passe outre l’interdiction et parcourt en cachette de petits formats dont il recopie parfois les couvertures, et découvre successivement le journal Spirou (et son génialissime Franquin) et l’hebdomadaire Pilote (et son génialissime Uderzo) : « À leur lecture, une chose évidente m’est apparue : je voulais être dessinateur ! »
À l’âge de 14 ans, Jean assiste également au mythique concert des Beatles à l’Olympia : « Le genre de choc qui vous marque à vie ! ». Il aurait pu apprendre un instrument, mais préfère jouer, comme il dit, de l’électrophone. La musique s’impose de fait comme son autre grande passion, thématique qu’il transcrit sous forme d’illustrations et de bandes dessinées, parues dans Pilote, Fluide Glacial, (À Suivre) ou Rock & Folk. D’Alan Stivell à Frank Zappa, des Stones aux Beatles (évidemment), en passant par Charles Trenet ou Richard Gotainer, son goût pour la caricature y fait florès.
Dès le seuil des années 1970, René Goscinny le recrute à Pilote. Il y enchaîne la rubrique pop « En écoutant les images », « Jean Cyriaque » avec Jean-Pierre Dionnet, quelques « Grandes gueules » et ses premières « Animaleries », d’étonnants télescopages entre bestioles diverses et objets du quotidien : de l’aigle-trousse au mouflon à lunettes, des canards-escarpins à l’autruche-feu vert… Un mélange des « genres » qui l’amènera plus tard, tel un moderne de Vinci, à imaginer les visuels de « From animals to animats » (« des animaux aux automates »), une série de conférences internationales sur la bionique.
Un sens taquin de la composition qui l’amène à surcharger certaines images jusqu’à la gueule et lui vaut d’être sollicité par les principales revues spécialisées. Solé enlumine les couvertures ou les pages de jeux – avec une prédilection pour les labyrinthes et les découpages – de Pilote, de Fluide Glacial, de Métal Hurlant, de L’Écho des Savanes, de Chic, voire de Pif Gadget. Notons également son art consommé du lettrage et de la mise en couleurs.
À la suite de la disparition d’Alexis, il poursuit « Superdupont » imaginé par Jacques Lob et Gotlib. Toujours pour Fluide Glacial, qui devient naturellement son terrain de jeu favori, il nous fait visiter sa « Salle des machines ». L’Écho des Savanes fait appel à son « Plombier maudit ». Aujourd’hui, sur un texte d’Yves Le Conte, chercheur à l’INRA, il dessine « Les abeilles » pour la BDTK, la « Petite bédéthèque des savoirs » du Lombard.
Il tâte aussi à l’occasion du dessin politique – Jean-Marie Le Pen se fait saigner à blanc par un Jean-Edern Hallier en furie – et signe quelques mémorables affiches de ciné où l’on croise Jean Rochefort et Coluche, ou une Blanche-neige un rien obsédée.
Quand il n’est pas en train de travailler sur un projet précis, Jean Solé griffonne un de ses nombreux carnets de croquis… Plusieurs dizaines à ce jour. Chineur impénitent, attaché aux objets qui ont une âme, aux images imprimées, Jean Solé collectionne les collections qu’il regroupe, selon l’espèce ou l’envie, dans de larges classeurs ; accroche aux murs ou remise dans ses tiroirs ou ses vastes malles. De quoi nourrir en réalité son imaginaire et lui ouvrir la porte de mondes insolites.
© Illustration Jean Solé